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Les catalogues raisonnés
1870. Gustave Moreau, témoignant de son patriotisme, s’engage, lors de la guerre franco-prussienne, dans la garde nationale de Paris où il est affecté dans le 6e bataillon 6e compagnie. En novembre un rhumatisme articulaire occasionne une paralysie de son bras droit, il est donc exempté. Durant cette période, il travaille à un polyptyque monumental, La France vaincue (MGM, Des. 5871). Aux nombreuses études qu’il réalise pour cet ambitieux projet (qu’il ne concrétisera pas) s’ajoute une série de notes rageuses contre les Prussiens.
21 novembre. Dans un long poème intitulé « Silhouettes et profils de la 6e compagnie », Amédée Burion (connu surtout comme l’auteur du texte de la cantate Clovis et Clothilde qui permit à Bizet d’obtenir en 1857 son grand prix de Rome) rend hommage à ses compagnons de la garde nationale, dont Moreau, qu’il évoque ainsi : « Chez Moreau, je m’annonce, en rêvant au bonheur / De contempler son œuvre. Amère destinée ! / L’auteur du Sphinx est là, sur son lit de douleur, / Sa porte est close et moi jugeant cette critique / Qui s’acharne sur lui pour ébranler sa foi, / Je lui glisse ces mots : Courage ! Sois stoïque ! / Qu’importent les serpents ? L’avenir est à toi ! » (MGM, Arch. Corresp.) Parmi eux se trouvent également Jules Franceschi, Gustave Boulanger et Antoine-François Marmontel. A ce compositeur on doit la musique de Mourir ou se venger, chant de la garde nationale (dédié au général Trochu) dont les paroles sont dues à Burion. Moreau en a conservé la partition éditée chez Léon Escudier.
1871. Gustave Moreau, redoutant le pillage de sa maison et surtout la destruction de ses œuvres, reste avec sa mère à Paris durant la Commune. Les premières émeutes éclatent le 18 mars à Montmartre. Le conflit s’achève tragiquement par l’exécution sommaire de dix mille à vingt-cinq mille insurgés du 21 au 28 mai. Par la suite, de nombreux communards seront condamnés à mort, d’autres déportés au bagne de Nouvelle-Calédonie. Traumatisé par ces déchaînements de violence, Moreau se rend durant l’été à Néris-les-Bains (Allier), ville d’eaux spécialisée dans les maladies nerveuses. Gustave Flaubert écrira à sa nièce Caroline le jeudi 22 août 1872 : « J’ai appris à Paris que plusieurs personnes (entre autres Gustave Moreau, le peintre) étaient affectées de la même maladie que moi, c’est-à-dire l’insupportation de la foule. C’est une affection commune depuis « nos désastres », à ce qu’il paraît. »
1873. Gustave Moreau, encore sous le coup de la défaite de 1870, refuse d’envoyer son tableau Le Jeune Homme et la Mort à la mémoire de Théodore Chassériau (Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum, Harvard University, 1942.186) à l’Exposition universelle de Vienne.
1874, 15 mai. Philippe de Chennevières, directeur des Beaux-Arts, commande à Gustave Moreau la décoration de la chapelle de la Vierge pour l’église Sainte-Geneviève (le Panthéon) : « Une somme de cinquante mille francs payable sur quatre exercices, à partir de 1875, vous est allouée pour ce travail. » (MGM, Arch. Corresp.) Le peintre décline la proposition dans une lettre dont il conservera le brouillon : « L’état de ma santé et ma trop grande inexpérience dans la peinture décorative me font un devoir de refuser ce travail que j’aurais été trop heureux d’entreprendre si mes forces me l’eussent permis. » (MGM, Arch. GM Brouillons).
Gustave Moreau peint son grand tableau Messaline (MGM, Cat. 30).
1875. Gustave Moreau est nommé chevalier de la Légion d’honneur.
5 octobre. Gustave Moreau est sollicité avec insistance par les éditeurs Glady Frères pour participer, par l’envoi d’un dessin, à une nouvelle édition de L’Imitation de Jésus-Christ préfacée par Louis Veuillot. Ils lui affirment : « […] vous êtes le seul au monde capable d’interpréter l’Imitation comme elle doit l’être. Chaque fois que je vais voir un peintre grand ou petit, on me répond invariablement il n’y a que Gustave Moreau qui puisse faire cela. » (MGM, Arch. Corresp.) Moreau refusera cette collaboration. Le livre paraîtra cependant en 1876 accompagné de gravures sur des dessins de Jean-Paul Laurens, Elie Delaunay, Désiré Laugée, Henri Lehmann, etc.
1876. Gustave Moreau expose au Salon, après six ans d’absence, quatre œuvres longuement mûries, qui font événement. Il s’agit de deux peintures : Hercule et l’hydre de Lerne (Chicago, The Art Institute of Chicago, 1964.231) et Salomé (Los Angeles, The Armand Hammer Collection. UCLA at the Armand Hammer Museum of Art and Cultural Center, AH.90.48) ; d’une aquarelle : L’Apparition (Paris, musée d’Orsay, conservée au département des Arts graphiques du musée du Louvre, R.F. 2130) ; et, comme le précise le livret du Salon, d’une détrempe et cire : Saint Sébastien baptisé martyr (Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum, Harvard University, don Grenville L. Winthrop). Les deux Salomé énigmatiques et inquiétantes assoiront définitivement sa célébrité. Le chapitre V du roman de Joris-Karl Huysmans A rebours leur est en partie consacré. Ce bréviaire de la littérature symboliste paraît en 1884 chez Charpentier, mais le 1er juin 1880 dans le journal La Réforme l’auteur témoignait déjà de son admiration pour Moreau : « M. Gustave Moreau est un artiste extraordinaire, unique. C’est un mystique enfermé en plein Paris, dans une cellule où ne pénètre même plus le bruit de la vie contemporaine qui bat furieusement pourtant les portes du cloître. Abîmé dans l’extase, il voit resplendir les féeriques visions, les sanglantes apothéoses d’un autre âge. »
1878. Gustave Moreau participe à l’Exposition universelle avec les œuvres présentées au Salon de 1876 (à l’exception du Saint Sébastien baptisé martyr). Il leur adjoint plusieurs créations nouvelles, cinq aquarelles d’une part : Le Sphinx deviné (coll. part.), Phaéton projet de peinture décorative (Paris, musée d’Orsay, conservée au département des Arts graphiques du musée du Louvre, R.F. 12387), Un massier (coll. part.), La Péri (Paris, musée d’Orsay, conservée au département des Arts graphiques du musée du Louvre, R.F. 12300) et Salomé au jardin (coll. part.) ; et d’autre part, trois peintures : Moïse exposé (Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum, Harvard University, 1943.262), Jacob et l’Ange (Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum, Harvard University, 1943.266), David (Los Angeles, The Armand Hammer Collection. UCLA at the Armand Hammer Museum of Art and Cultural Center, AH.90.49). Ces dernières, méditation sur les âges de la vie, forment un triptyque que Moreau commente en ces termes à son ami Alexandre Destouches : « Le Jacob serait l’ange de la France l’arrêtant dans sa course idiote vers la matière. Le Moïse, l’espérance dans une nouvelle loi représentée par ce mignon d’enfant innocent et poussé par Dieu. Le David, la sombre mélancolie de l’âge passé et de la tradition si chère aux grands esprits pleurant sur la grande décomposition moderne. » (MGM, Des. 13509-11) Le jury international lui décerne la deuxième médaille pour l’ensemble de ses œuvres.
1879. Publication du roman d’Ernest Chesneau La Chimère : « Je la dédie au grand artiste qui a su faire passer les plus nobles émotions de l’âme humaine dans la peinture des légendes fabuleuses. Je la lui dédie, en témoignage de l’admiration profonde que m’inspire depuis quinze ans le génie de son œuvre. » Cet ouvrage a pour frontispice une héliogravure de Dujardin d’après une photographie de Mrs Lecadre & Cie du tableau de Gustave Moreau La Chimère (Cambridge [Mass.], Fogg Art Museum, Harvard University, 1943-269). Moreau exécute pour les époux Hayem l’aquarelle Sainte Elisabeth de Hongrie (coll. part.). Cette œuvre est conçue comme un pendant à un manuscrit (dont nous ignorons la teneur et l’auteur) que Léon Bloy est chargé d’enluminer. Dans une lettre datée du 4 juin 1879, Bloy écrit à Amélie Hayem : « J’ai résolu de faire du manuscrit de sainte Elisabeth un véritable chef-d’œuvre qui me donne tout l’honneur possible et qui soit avec l’aquarelle de votre grand artiste une magnificence de plus dans votre maison. Mais il faut qu’on me laisse travailler en paix et qu’on ne m’enferme pas dans des délais inexorables. Les artistes ne produisent pas leurs œuvres comme les taupes produisent leurs trous, dans une mesure de temps connue et calculable d’avance. Ils font, eux, leur trou dans le bleu du ciel, et c’est leur façon particulière d’être des taupes. » (coll. part.)
7 juillet. Gustave Moreau fait parvenir au collectionneur marseillais Antoni Roux les premières aquarelles de la série des Fables de La Fontaine. Pour ce travail Moreau se rend régulièrement au Jardin des Plantes, où il étudie les animaux de la ménagerie. Au total, ce sont soixante-cinq fables que Moreau illustrera et livrera à leur commanditaire de 1879 à 1883. Toutes sauf Le Paon se plaignant à Junon (MGM, Cat. 566 bis) sont aujourd’hui conservées dans une même collection particulière.
© Réunion des musées nationaux - 2009